Le Lotus Bleu

Initialement intitulé Tintin en Extrême-Orient lors de sa parution initiale dans Le Petit Vingtième de 1934 à 1935, puis dans une édition album de 1936, Le Lotus Bleu est, de l’avis des spécialistes, un Tintin majeur pour des tonnes de raisons que je vais bien sûr évoquer.

Par Henri

1La lecture de ce 5ème album de la série suppose celle, préalable, des Cigares du Pharaon où commence l’intrigue. Tintin était alors confronté à une mystérieuse organisation de trafiquants de stupéfiants ayant pour symbole le sceau du pharaon Kih-Oskh, et a fait arrêter en Inde une grande part de ses membres… à l’exception du chef, supposé mort et dont l’identité n’a pas été révélée.
On retrouve le reporter en Inde, chez le maharadjah, où un messager venu de Chine demande à Tintin de se rendre à Shanghaï. Là-bas, confronté à Mitsuhirato, un membre de l’organisation des trafiquants, et dans un contexte politique tendu où le Japon prépare une occupation militaire de la Mandchourie, Tintin devra déjouer les pièges de tous ses adversaires… mais une société secrète chinoise va aussi lui venir en aide.

C’est peu dire que cette aventure en extrême-orient est le témoin d’un bouleversement profond dans les méthodes de travail d’Hergé, mais aussi dans sa propre échelle de valeur. Lorsqu’il décide d’envoyer son héros en Chine, Hergé sera mis en relation à des fins de documentation avec une personne qui prendra une importance capitale dans sa vie : le fameux Tchang Tchong-jen qui aura inspiré le personnage de Tchang. De cette rencontre avec l’étudiant chinois, Hergé a acquis le besoin de dépasser les clichés sur les peuples que pouvait rencontrer son héros, et aussi de comprendre le contexte géopolitique des pays traversés. Ainsi, il ne manque pas de se moquer des idées reçues de son milieu à travers les Dupondt qui deviendront ses victimes préférées ; à travers également des personnages occidentaux racistes et détestables, comme Gibbons. Il développe aussi une amitié forte entre Tintin et Tchang, où il reconnaît lui-même que les peuples se connaissent mal mais peuvent dépasser leurs préjugés en apprenant justement à se connaître.

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Outre un développement plus abouti de son propre héros, Hergé a également inscrit son aventure dans une réalité historique, celle de l’invasion japonaise de la Mandchourie. Epaulé par Tchang Tchong-jen, il prend ici partie pour la cause des Chinois au détriment des Japonais, et signe du même coup un album politiquement très engagé, reconnu pour son sérieux. Outre son soucis de documentation, Hergé n’a pas non plus oublié de mettre un point final à l’intrigue qu’il avait commencée avec Les Cigares du Pharaon, faisant de l’ensemble de son récit une brillante aventure où Tintin ne s’est pas contenté de courir d’une case à l’autre, mais de résoudre son enquête sans jamais perdre le lecteur en cours de route, offrant en prime un voyage véritablement dépaysant dans la Chine de 1935.

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L’œil averti notera que le dessin semble moins fin que celui de la réédition couleur des Cigares du Pharaon : c’est parce que la version noir et blanc d’origine a cette fois été peu retouchée dans la version couleur sortie en 1946 – alors que Les Cigares du Pharaon n’aura été réédité qu’en 1955.

A tout point de vue, Le Lotus Bleu est très nettement supérieur aux précédents albums de Tintin. Tout simplement remarquable !

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